Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Blog de Villedaixenprovence.fr
21 octobre 2016

Une enseignante juive au collège B. de Fanny Levy ou l'antisémitisme primaire.

Guy et Mary Lou , Fanny Lévy est l'auteur du roman "Dans le silence de Mila " dont on a parlé hier . C'est un très beau roman onirique que j'ai à Marseille et que je pourrais vous prêter‏

Guy et Mary Lou , Fanny Lévy est l'auteur du roman "Dans le silence de Mila " dont on a parlé hier . C'est un très beau roman onirique que j'ai à Marseille et que je pourrais vous prêter

 
 
20/10/2016
 
 
À : ;
Une enseignante juive au collège B. de Fanny Levy ou l'antisémitisme primaire.
Transférer à un amiImprimerCommenterAgrandir le texteRéduire le texte
FacebookTwitterGoogle+LinkedInPinterest

Je connais bien l'auteur des pages qui vont suivre , Fanny Lévy pour l'avoir découverte au détour de son premier ouvrage " Dans le silence de Mila" aujourd'hui elle propose à nos lecteurs de faire partager son expérience en tant que professeur de français dans une classe de jeunes enfants musulmans. Voici les premières pages nous feront suivre le reste régulièrement.

UNE ENSEIGNANTE JUIVE au collège de B.

(2002-2003)

par Fanny Lévy Ben-Ami

 

 

A La Rochelle où j’habitais, avant de demander une mutation pour Metz, je n’ai eu, en une vingtaine d’années, que très peu d’élèves arabes. L’un d’eux, un petit 6°, m’avait demandé en fin d’année scolaire, si c’était la croix Juive que je portais, l’autre, en 3°, avait, au cours d’un atelier d’écriture, écrit un texte intitulé « Je suis arabe et j’en suis fier » où il se plaignait du racisme des Français.

 

Lorsque j’ai su, en Juin dernier, que j’étais nommée à B., dans le collège d’une zone sensible, avec une majorité d’élèves issus de l’immigration maghrébine, j’ai eu quelques appréhensions parce que je venais de lire le livre d’André Taguieff sur la nouvelle judéophobie dans les banlieues. Je n’ignorais pas non plus qu’entre le 1° septembre 2000 et le 31 Janvier 2OO2, on avait recensé en France 405 actes antisémites, soit plus d’un par jour.

 

- Septembre 2002 : C’est le jour de la rentrée, le premier contact avec les 6°8. Tandis qu’ils remplissent leurs fiches de renseignements, je me rassure en balayant du regard leurs visages ( autant de secrets que de visages… En Hébreu, chaque visage, panim, est pluriel. ) enfantins. Ils ont l’air mignons, ils s’appliquent.

 

Soudain, une petite fille menue aux yeux et aux cheveux clairs m’interpelle avec arrogance : «  Vous êtes Arabe ? » Sans manifester ma surprise, je réponds calmement que je suis seulement leur professeur de Français. « Parce que, moi, j’aime que les Arabes ! » précise Samia. Et d’agresser un petit blondinet, Steven, qui a commis le crime de la regarder. N’ a t-il pas surtout le tort de n’être pas Arabe ?

 

Je propose un petit exercice : « se présenter avec les lettres de son prénom ».

 

«  Avec le B, écrit Baris, je dis que j’aime les bonbons ;

 

avec le A, je dis que j’aime les animaux

 

avec le I... Là, Baris sèche.

«  Tu vas quand même pas dire que tu aimes Israël ! » ricane son voisin Mehmet. Et les autres de s’esclaffer à cette idée saugrenue.

 

Je découvrirai par la suite que les mots Israël et Juif représentent la suprême injure, que la haine ( sinea, en Hébreu, affilié au nom Sinaï ) du Juif est ancrée en eux, sans doute transmise depuis longtemps.

 

 

Par exemple, à la fin d’un cours, alors qu’il ramasse des rédactions, Salim, de la 5°6, voit sur le bureau d’Asmae une photo représentant le roi du Maroc. « C’est un sale Juif ! » s’écrie-t-il aussitôt. Pour se moquer de Soner qui est mal coiffé, Koray lui lance : « Tu ferais mieux de te taire avec ta coiffure de Juif ! ». Une autre fois, il lui crie : « Arrête de faire le Juif, parle bien ! » Comme l’écrit Emmanuel Brenner dans « Les territoires perdus de la République », le substantif « Juif » n’a plus besoin d’être précédé du qualificatif « sale »…il a valeur d’insulte et se suffit à lui-même.

 

« Qu’est-ce que c’est que ces vieux dictionnaires ? s’exclame Koray, ils datent de Jérusalem, ma parole ! » Et, à Salim qui mange un gâteau en cachette : « Tu manges en Juif ! Tu manges en israélien ! »

 

Peuvent-ils comprendre la différence entre juifs et israéliens ? Je constate que les arabes se servent d’éléments empruntés à la veine antisémite populaire. Ils utilisent tous les griefs, toutes les injures que l’on trouvait dans l’anti- judaïsme de pères de l’Eglise comme Saint Jean Chrysotome, le maître de l’imprécation anti-Juive. Ils ne savent sans doute pas que, comme l’affirme le psychanalyste Daniel Sibony,  « L’origine de la haine, c’est la haine des origines ».

 

Quant à Kader, il répond un jour à l’un de ses camarades : « Bien sûr que j’fais le ramadan ! Je suis pas Juif, moi ! »

 

 

Savent-ils que je suis Juive ? ( Mon nom de jeune fille, Lévy, ne laisse aucun doute mais mon nom d’épouse, Ben Ami, doit porter à confusion d’autant plus qu’il ressemble à celui d’un collègue qui, lui, est arabe.) Samia ne doit pas l’ignorer puisque, le lendemain de yom Kippour, elle me lance d’un ton perfide : « On sait où vous étiez, hier ! » Mais, comme je pense que l’antisémitisme est une passion et peut difficilement se raisonner, je continue chaque fois mon cours, imperturbable, sans qu’ aucun muscle de mon visage ne bouge.

Fanny Lévy

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=847


Vérification des malwares effectuée
Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité